Légendes

Après la géographie, un peu d'Histoire. Et comme souvent, plus l'histoire est ancienne plus elle se teinte de légende. Le Népal confirme la règle avec le récit de ses origines divines. Des légendes qui permettent aussi d'apréhender à quel point Hindouisme et Bouddhisme sont enracinés, inextricablement liés et tolérants l'un envers l'autre sur cette terre.

Le Népal, terre d'élection de Shiva

Pour les Hindouistes, un jour que Shiva se trouvait à Bénarès, il décida de se transporter au Népal. Il s'y trouva si bien qu'il se changea en gazelle sur les bords de la Bagmati, la rivière de la vallée de Katmandou. Il décida de porter à partir de ce moment le nom de Paçupati, "animal seigneur". Les deux autres dieux de la triade hindoue, Brhama et Vishnu échouèrent à le convaincre de rejoindre soit l'Olympe himalayen, le mont Kailash, soit la ville sainte, Bénarès. Ils tentèrent de le saisir par une corne, mais celle-ci éclata et un fragement se ficha dans le sol.

Longtemps après, un berger, intrigué par le comportement d'une vache qui répendait son lait tous les jours à cet endroit, creusa le sol, et l'éclat de corne jaillit et se consumma. A cet endroit, Bhuktamana le fondateur de la dynastie d'alors, les "Rois Bergers", fit construire un temple. L'un de ses successeurs en fit couvrir le toit de plaques d'or, en 1767 avant notre ère selon la chronique Vamsavali, une sorte de généalogie des rois du Népal visant à démontrer les origines divines des dynasties successives, plus ou moins légendaires.

Les souverains successifs du Népal se sont tous posés en favoris de Paçupati, et les plus anciennes monnaires retrouvées présentent en alternance le nom des rois et celui du dieu devenu le protecteur du pays.

Bouddha primordial, Boddhisatva de la connaissance et Bouddha historique

Pour le tradition bouddhique, à l'aube des temps, le Népal était un lac. Le Bouddha primordial, Svayambhu (celui qui est par lui-même) y jetta une graine de lotus de laquelle naquit une fleur merveilleuse, grande comme la roue d'un char, avec dix-mille pétales d'or, le pollen étant de pierreries, les étamines d'or et la pistil de lapis-lazuli.
Plus tard, le Boddhisatva de la connaissance, Manjusri, en contemplant ce spectacle, comprend qu'il doit ouvrir un écoulement dans la montagne, créant ainsi la Bagmati. Il fonda sur le territoire laissé libre, une ville et un temple, le Svayambhunath et retourna dans ses montagnes de Chine.

Dans la vallée ainsi libérée, s'installèrent des colons, un peuple de berger, les Gopalas, les mêmes que dans la version hindouïstes. Les légendes reflètent ainsi la réalité de la migration d'une peuplade venant des hautes altitudes du nord, et dont sont issus les Newars, le premier groupe à élaborer une culture, une architecture et une poésie et à tenter d'organiser le Népal.

Quand au Bouddha historique il naquit dans la partie basse du Népal, le Téraï, au 6e siècle avant JC.

Une ordalie végétale

Les peuples du Népal ont su concilier les courants qui prétendaient à leurs origines, comme en témoigne cette légende:

Un couple de braves gens vivant à Kathmandou trouva un jour sa provision de bois transformée par miracle en lingots d'or et voulut témoigner de sa reconnaissance aux dieux. Or le mari penchait pour le Bouddha et la femme pour Narayana, un avatar de Vishnu. Pour choisir, ils décident de soumettre les dieux à une sorte d'ordalie: chacun d'entre eux planta une graine en même temps, chaque dieu n'ayant qu'à se manifester à travers la plante de son partisan. Celle de Bouddha germa la première, et on célébra sa victoire sur son rival.

Malgré cette légende, l'hindouisme n'eut pas à souffrir d'un prédominance du Bouddhisme, grâce au système des avatars qui permit de faire de Bouddha une réincarnation de Vishnu.

Source: "Histoire du Népal", Roland Barraux, l'Harmattan, coll Recherches asiatiques, 2007