Le Namo Bouddha

Publié le par Dadouchka

Le 9 juin, tôt dans la matinée, Kumar passe me chercher à l’hôtel : aujourd’hui nous allons au Namo Bouddha, un temple Bouddhiste perdu dans la campagne. Je rassemble mon barda et je paye ma note, et très vite se pose la question épineuse de la gestion des bagages sur la moto. Déjà qu’on est deux dessus… Tant bien que mal on y parvient. Kumar porte mon petit sac à dos sur le devant, moi, le gros sac à dos derrière, et la besace entre nous deux. Et ça passe. Je ne suis pas sûre que je j’aurais tenté l’expérience de la sorte si j’avais su l’état de la route. Les premiers km vont bien, la route est plutôt praticable, parfois même goudronnée. Mais assez vite, on se retrouve en rase campagne, et ça commence plus à ressembler à un chemin forestier. Et quand en plus ça se met à grimper, et qu’à la terre (heureusement sèche) se mélangent de gros cailloux, on se croirait dans un rallye moto. Sans oublier les ornières creusées par les bus qui amènent les pèlerins jusqu’au monastère. A bien y réfléchir, finalement, la moto ce n’était pas si mal, vu la tête des bus et la façon de conduire des chauffeurs… En tout cas Kumar maîtrise bien son véhicule, pas de chute à déplorer. Le paysage est particulier, curieusement parfois la couleur de la terre, l’odeur des sous-bois, le chant des cigales font plus penser à la méditerranée qu’au Népal. Il faut chaud, et l’humidité augmente, la mousson n’est vraiment plus très loin. Ça ne facilite pas la prise des photos du paysage, les arrière-plans prenant des aspects fumeux voir laiteux. La route est longue, on y arrive un peu avant midi. Quelques kilomètres avant, on a aperçu les toits dorés et les murs rouges du temple.  C’est en fait une construction assez récente. Ici comme à Boddnath, le patrimoine des réfugiés tibétains a été largement investi dans l’immobilier Bouddhiste. Le site est connu depuis des siècles, mais ce n’est que ces dernières années qu’il a pris une telle ampleur. Une jolie légende est rattachée à ses origines: un chasseur avait tué une tigresse, laissant ses quatre petits orphelins. Le Bouddha l’apprit et partit à la recherche des petits. Quand il les trouva, sa compassion pour eux fut telle qu’il se changea en tigresse et s’ouvrit les entrailles pour qu’ils s’en nourrissent. Les petits devinrent de grands et beaux fauves, retrouvèrent et tuèrent le chasseur. Dans le monastère, des peintures et des sculptures commémorent la légende. Les derniers kilomètres sont plus faciles : les abords du temple sont goudronnés. Nous trouvons facilement à nous loger : le monastère dispose de bâtiments  hôteliers, en fait des immeubles de petits appartements destinés aux familles de pèlerins. Les tarifs sont très raisonnables et en plus on nous propose la pension complète. Seul contrainte, les repas sont servis à des heures bien précises. En fait, c’est le repas des moines qui gèrent la résidence que nous partageons. Un moine nous conduit à travers divers jardins et petit parcs, et le long de bâtiments destinés aux moines, jusqu’à un petit immeuble de plusieurs étages composé d’appartements et de terrasses imbriquées. Tout est hyper propre, soigné, c’est même luxueux comparé à ce que j’ai pu voir ailleurs. Les murs de brique sont peints en rouge, des pots de fleur ornent les terrasses. Le moine nous ouvre un appartement en rez-de-chaussée, dans lequel nous avons accès à deux chambres et une salle de bain. Il y a encore une deuxième chambre, et une cuisine, on doit pouvoir y loger jusqu’à 8 personnes. Notre hôte nous explique qu’il faut laisser les fenêtres, pourvues de barreaux, fermées, et pendant la nuit non seulement fermer à clé, mais aussi poser la lourde barre de fer derrière la porte. Malgré l’apparente quiétude des lieux, les rôdeurs ne manquent pas, et la richesse du monastère doit attiser bien des convoitises. Le temps de nous installer rapidement, et c’est l’heure du repas : il est pris dans l’appartement que le moine qui nous a amenés là partage avec quelques compagnons. Le menu est purement végétarien : de la soupe, du riz et des légumes cuisinés. Il y aussi du thé au beurre, mais je n’arrive pas à l’avaler, c’est très particulier.

 

Une fois rassasiés, nous partons à la découverte du site. Le domaine du monastère est grand ouvert, on commence par longer l’éperon rocheux en passant derrière le temple lui-même pour atteindre l’autre bout du promontoire, d’où on a un aperçu d’ensemble. L’éperon forme un arc de cercle. A un bout, tout en haut se trouve le temple aux murs rouges et aux toits dorés. Puis en direction de l’autre bout, et en contrebas, des immeubles blancs sont éparpillés, où logent les moines. De petits stupas blancs longent la crête. Et à l’autre bout, des monuments funéraires et de petits autels sont noyés sous les drapeaux à prière. Drapeaux qui relient les deux extrémités du site en de longues bandes claquant dans le vent. Par ci par là, des bicoques de fortunes abritent des gens qui ont l’air assez pauvres et qui tranchent avec la netteté du lieu. Il s’agirait d’ouvriers qui construisent les bâtiments et entretiennent le site, et dont les femmes en assurent la propreté. En revenant sur nos pas vers le temple, nous apercevons à travers une fenêtre, un peintre qui réalise minutieusement un Tangkha.

 

Nous accédons au temple tout aussi facilement. Le bâtiment est très impressionnant, volumineux, massif. Nous retirons nos chaussures avant d’accéder à la salle principale, où ont lieu les prières et les cérémonies. Les photos y sont malheureusement interdites. Le plafond est très haut, et de nombreuses bannières colorées en descendent. Aux murs des peintures sont en cours de réalisation. Moins délicates que celles du temple de Pokhara, et incomplètes, elles n’aident pas à oublié la lourdeur architecturale de la pièce. Peut-être son caractère récent empêche t’il de s’imprégner de la solennité palpable dans d’autres lieux de culte bouddhistes. Au sortir du bâtiment nous sommes assaillis d’une nuée de gamins dépenaillés, sans doute les enfants des ouvriers dont nous avons vus les cabanes. Ces enfants se révèlent vite infernaux, habitués qu’ils sont d’obtenir des touristes et pèlerins piécettes et bonbons. Ils semblent ne connaître qu’un seul mot anglais : « money », et le répètent inlassablement en nous suivant jusqu’à ce que nous atteignons notre résidence.

 

Nous passons le reste de l’après-midi à profiter du calme et du paysage, sur la terrasse, avant de prendre le repas du soir, et à la nuit tombée, de rejoindre nos chambres pour dormir : le petit déjeuner se prend tôt dans un monastère, il vaut mieux se coucher avec les poules.

Publié dans Voyage Népal

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