Gorkha

Publié le par Dadouchka

Nous voici donc le 2 juin, prêts à quitter Pokhara. Bimal a terminé sa mission, mais il a décidé de m’accompagner jusque là. Nous nous sommes levés tôt et après le petit déj, je paye ce que je dois pour la journée de la veille. Le propriétaire de l’hôtel, toujours aussi jovial, nous gratifie d’une tika. Je le croyais Bouddhiste, mais apparemment ce n’est pas contradictoire avec un geste Hindouiste. Après de chaleureux au revoir, le chauffeur de l’hôtel nous emmène nous et deux autres touristes à la station de bus. Sauf que nous on ne s’arrête pas à la même : de Pokhara à Gorkha, pas de « tourist bus », il va donc falloir se coltiner les fameux bus locaux. La gare routière est un immense terrain vague plein d’ornières et sans aucune signalisation. Heureusement que Bimal est là, parce qu’il n’y a aucune signalisation. Les bus à l’aspect et aux couleurs variées ont au moins un point commun : pas d’indications sur leur destination. Bimal a acheté nos billets, ensuite on a cherché où prendre ce fameux bus, d’abord dans la rue le long de la gare, puis de nouveau dans le terrain vague, pour finalement s’apercevoir qu’en fait, celui-ci ne partirait pas avant 10h. Et il était 8h. OK…

 

Bien, bien, mauvais timing, j’aurais donc pu dormir deux heures de plus… Bimal me propose de nous installer dans une des petites échoppes qui bordent la gare routière : de petits bouibouis bas de plafond, construits avec quelques agglos, et un toit de tôle ondulée maintenu par de grosses pierres. On peut y boire un verre, où y manger un morceau, l’équivalent de nos bistros, en plus miteux, en fait. On a donc pris un soda (le plus prudent, mieux vaut éviter l’eau même bouillie dans ce genre d’endroit), et pour passer le temps j’ai sorti mon bouquin sur l’histoire du Népal, et essayer de voir si Bimal pouvait m’aider à comprendre certains trucs, vu le caractère confus de certains passages de l’ouvrage. Alors, soit la formation des guides sur l’histoire de leur pays est très légère, soit Bimal ne l’a pas vraiment suivie, parce qu’il n’a pas pu m’aider beaucoup. Peu importe, mais c’était un peu frustrant quand même. Le petit couple qui tenait l’endroit était plutôt mignon, ils venaient tout juste de se marier. Je n’ai pas osé demander si c’était un mariage d’amour ou une union arrangée. La jeune épouse nous jetait des regards curieux, sur mon livre en particulier. Je ne sais pas s’ils voient beaucoup de touristes dans ce genre d’échoppe.

 

L’heure du départ a fini par sonner, et on a donc pris la ligne régulière pour Gorkha. La physionomie du bus n’est pas très différente de celle des bus de touristes, mais c’est aux « petits » détails qu’on voit la différence : le bus local est bariolé, alors que celui des touristes est relativement sobre. Bariolé s’entend à l’intérieur comme à l’extérieur : couleurs vives, slogans appelant à maîtriser la vitesse (« speed control ») ou à appuyer sur le klaxon (« push horn »), tapisseries sur les parois intérieurs, sièges recouverts de tissus fleuris ou chamarés. Le bus des touriste est relativement confortable, celui des népalais est très bas de plafond (heureusement pour la grande gigue de je suis, mon chapeau amorti un peu les chocs), et il n’y a pas ou peu (plus ?) de rembourrage dans les fauteuils : il vaut mieux avoir un pull ou une veste à rouler en boule et à glisser sous ses fesses pour éviter de ressortir avec la trame de l’armature des sièges imprimée sur l’arrière train. Et vu l’état des routes et le fait qu’on y passe 4 heures, ça peut s’imprimer profond. Ceci dit cependant, encore une fois le voyage passe vite (encore plus pour Bimal qui roupille tout du long), avec la foule de choses à voir le long du chemin : le meule de foin à côté des maisons pour nourrir les vaches et les bufflonnes qui donnent le lait frais, les jolies filles en saris chamarés qui protègent leur teint sous des parapluies, les marchands de journaux, de fruits, de gateaux à qui on achète à travers la fenêtre, les vaches en liberté, un homme qui porte une armoire sur son dos, une chevrière et son troupeau à moitié cachés dans les fourrés…

 

Et enfin, on arrive à Gorkha : quasiment aucun touriste hormis un japonais qui descend du même bus que nous et qui trouve la guest house où on est descendus trop chère. Pourtant, à 3€ la nuit… L’endroit n’est guère reluisant en terme d’hygiène : j’y trouve une salle de bain qui n’a pas du être nettoyée après le passage de la cliente précédente (vu la longueur des cheveux qui trainaient c’était sans doute une femme), et pour ce qui est de derrière la porte, heum…

Bon, au moins les draps sont propres, c’est déjà ça. De toute façon, on ne reste qu’une nuit.

Une fois installés, petit ballade de dans la ville avant de monter à la forteresse-temple « Gokha Durbar ». Deux petits temples sont à voir : une pagode couverte de jolies boiseries et un temple plus récent de facture indienne, pas très interessant, si ce n'est la statue d’un roi posée sur un pilier qui fait face à l’entrée en plus du taureau de Shiva. Dans les rues, des façades de maisons traditionnelles laissent deviner le charme que la ville pouvait avoir avant les constructions contemporaines pleines de béton. La forteresse est un lieu impressionnant, à la fois représentatif du pouvoir et de la religion. Il faut dire que Gorkha est une ville royale : la dynastie des Shahs dont les derniers rois faisaient partie, étaient avant tout les souverains de la ville, avant de conquérir la vallée de Katmandou et d’unifier le Népal au milieu du XVIIIe siècle. La forteresse donc, se mérite : une heure de grimpette environ, d’abord le long d’une ruelle escarpée bordée de maisons et fréquentée par les chèvres et les chiens, puis dans la forêt. Une fois là-haut, il faut enlever les chaussures et cuir, et donc je m’y suis baladée pieds nus. Avant d’arriver à la citadelle proprement dite, on passe des portes basses et aux chambranles de bois ouvragé, et on dépasse une roche symbolisant un dieu, couverte du pigment rouge des tikas et un mignon petit Ganesh, tout rose de pigment lui aussi. Et quand on y est… quelle splendeur !! Le travail du bois, l’accord du rouge brique et du brun sombre, les frises de briques moulées, les drapeaux multicolores, c’est vraiment sublime. Une partie du bâtiment correspond à une sorte de palais royal, où les souverains venaient une fois par ans après Dasain, une des plus grandes fêtes au Népal. A côté se trouve un sanctuaire de Kali, dans lequel on sacrifie encore des animaux pour satisfaire la soif de sang de la terrible déesse et s’attirer ses faveurs. D’ailleurs en montant, il devait y avoir une cérémonie, car on entendait de la musique et il y avait des traces de sang sur les marches d’escalier. Je ne suis pas allée jusque là, pas très rassurée par le spectacle sanglant que je risquais d’y voir. De toute façon il y a déjà beaucoup à voir comme ça. Accolé au palais par exemple, avant le temple de Kali, il y un petit temple de Shiva représenté par des tridents. Après avoir fait le tour et récupéré mes chaussures, on est repartis vers l’hôtel, et après un plat de dal bhat, une bonne nuit de sommeil n’était pas de trop pour affronter le trajet du lendemain vers Kathmandou.

Publié dans Voyage Népal

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article